PORTRAIT DE TEUFEUR #2 -
RAVE VS FREE PARTY

Ce focus est le deuxième d'une série qui vous plonge dans l'histoire et la culture des sound systems. On s'intéresse ici aux différences et aux similitudes entre une rave party et une free party.

Les Gens En Concert de musique electro

Entre rave et free party, retrouve-t-on les mêmes valeurs et les mêmes publics ?

A bien des égards, l’émergence des raves semble répondre à une demande, voire à un impératif commercial instauré d’une part par la popularisation de la culture sound-system et d’autre part par le succès de la techno de Detroit partout en Europe.

Spiral Tribe, le sound-system anglais à l’origine du mouvement free party en Europe, organise alors des raves — payantes, nécessairement — dans les entrepôts (Warehouse) des banlieues londoniennes, pour un prix généralement compris entre 150 et 200 francs.

Peu à peu, et comme nous l’avons vu dans l’épisode précédent, la répression conduite par le pouvoir anglais les pousse à migrer et à organiser plusieurs free parties clandestines au-delà des frontières anglaises. Le droit à la fête libre et gratuite est revendiqué de toutes parts, notamment par le sound-system français Heretik, dès lors pilier de la scène « underground ».

Les réseaux sociaux n’étant pas encore apparus, les teufeurs qui participent à ces free parties sont informés par des flyers, tracts distribués lors de soirées qui renseignent une ligne d'information (infoline) à joindre afin d’obtenir les informations nécessaires. Sur ces flyers, un slogan subversif voire antisocial, parfois anarchiste est très souvent inscrit — à titre d’exemples, on y retrouve des phrases percutantes comme « Fuck the subculture we are one culture = music », « Tout est à nous, rien n’est à eux » ou encore « They got the power, we got the numbers ».

A la différence de ces tracts clandestins, ceux qui annonçaient les raves sont largement plus colorés, plus formels, moins politisés. Même si raves et free partagent des similitudes dans la musique diffusée, un esprit très différent semble déjà séparer ces deux modalités de fête, ces deux « pratiques festives ».

Musicalement, les free sont souvent plus radicales que les raves ou que les soirées techno qui se développent de plus en plus dans les discothèques : on y retrouve des sonorités plus sèches, calibrées sur un rythme élevé, avec une certaine diversité dans les genres proposés (hard techno, hardcore, dub, et depuis peu la trance et la psytrance).

Public en train de dancer en soirée electro

Si l’on peut tenter d’esquisser un portrait de « teufeurs amateurs de free », en notant par exemple une certaine homogénéité dans le style vestimentaire (treillis, baggy, skate shoes, rangers…) ou dans les accessoires (piercings, tatouages), on se rend compte de façon inéluctable que l’on peut difficilement fixer leur identité dans une description simplificatrice. Ainsi, ces « teufeurs » habitués des free, des plus alternatifs aux plus conformistes, rejoignent le grand groupe des fêtards, au même titre que les « travellers », que les « raveurs » de la première heure, ou encore que les « visiteurs », venant simplement par curiosité, par mimétisme — phénomène par ailleurs bien plus récent.

En revanche, il semble demeurer, dans le milieu des free, une liberté à laquelle il est impossible d’accéder au sein de structures légales, tant sur le plan pratique que sur le plan idéologique. Mais alors, les free constituent-elles la seule pratique festive à conserver ce que la culture sound-system, et plus largement, ce que la musique électronique avaient de subversif ?

Il semble, peut-être, que l’on doive simplement accepter le fait que la diffusion de la musique électro et techno se fasse désormais dans des espaces non pas « autre » ou « contre », mais bel et bien incorporés, occupés de tous, voire clairement populaires.

Il s’agira alors, dans le prochain épisode, de comprendre ces nouveaux « visiteurs » et d’inclure dans notre étude tout un autre type de « teufeurs », notamment les « commerciaux », qui s’invitent afin de faire du profit dans le marché de la fête, des vendeurs de sandwichs aux dealers de psychotropes.


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